Ici, pas de téléphone portable, pas d’internet, ni facebook, ni tweets. Les collégiens qui assistent au spectacle « Juliette et les années 70″ ne trouvent sur le plateau que des objets disparus aujourd’hui : un électrophone et son disque en vinyle, un projecteur de diapositives. Flore Lefebvre de Noëttes (Juliette) nous fait revivre les années 70 au travers de sa biographie, à la Comédie de l’ Est de Colmar. Ce spectacle était offert par les Amis de la Filature.
Pour les jeunes spectateurs, la description du lycée de Juliette des années 70 a de quoi étonner. Blouses obligatoires, cours d’instruction sexuelle, travaux manuels de couture pour les filles et de bricolage pour les garçons, autant de pratiques révolues qui paraissent anti-déluviennes, mais qui réveillent bien des souvenirs pour les plus âgés qui ont vécu cette période. Les portrait satyriques des professeurs renvoient aussi a des images mémorables pour les plus jeunes comme les plus vieux.
Juliette nous plonge dans son passé. Elle nous fait revivre son adolescence dans un environnement familial difficile, un père qu’elle considère comme « fou » (en fait souffrant de troubles bipolaires) et une mère baba cool. Le « pater », souvent hospitalisé ou en congés de maladie, oscillant entre dépression et euphorie, limite l’éducation des ses enfants à des actes répressifs, tandis que la mère (la Mate, abbréviaton de Mater) essaye de faire bouillir la marmite en tenant, sans succès, une boutique d’objets exotiques. Juliette nous convie aussi à partager le drame familial et ses tensions. Mais elle revit aussi avec bonheur ses vacances sur l’atlantique, ses premières amours dans les dunes, l’ivresse de plonger dans le vagues qui déferlent en grondant. Elle préfère quitter sa famille pour une école de théâtre qui lui permet de trouver un exutoire nécessaire pour supporter les tensions parentales. Elle trouvera des maîtres illustres comme Mesguich et Vitez qui marqueront sa formation d’actrice avant qu’elle ne prenne son envol.
Le spectacle est rythmé par les musiques qu’on a tous gardé en mémoire: Rolling stones, Pink Floyd, Deep purple, Janis Joplin…. musiques d’une grande puissance évocatrice pour ceux qui ont vécu leur adolescence dans les années 70.
Le spectacle traduit une nostalgie douce-amère, une tendresse sarcastique pour des parents qui n’ont pas joué leur rôle, présentés sans méchanceté sous leurs travers, avec humour et dérision, à la manière des caricatures de Daumier, nous dit l’actrice. C’est le portrait d’une génération post soixante-huitarde, somme toute banale hormis les troubles psychiatriques du père.
A l’ issue de la représentation, nous avons pu discuter avec l’actrice. Elle nous apprend qu’après la mort de sa mère, elle s’est mise à écrire pour en faire un beau portrait dans un premier spectacle intitulé » la mate , l’enfance ».
Flore Lefebvre de Noëttes a attendu de nombreuses années pour pouvoir écrire le récit d’une jeunesse souvent douloureuse. Il fallait passer par une psychanalyse pour trouver la sérénité et le recul nécessaire. Mais elle affirme « le théâtre lui a permis de se récréer. Quand on joue, on récrée des scènes réelles, on revit des affects importants qu’on transmet, peut-être en partie, aux spectateurs. C’est une belle école de vie », dit-elle.