Le 24 novembre 2018, les Amis de la Filature ont découvert à Sélestat, la nouvelle Bibliothèque Humaniste et une exposition du Fonds Régional d’Art Contemporain
Aperçu historique : l’Humanisme à Sélestat
La chute de Constantinople (1453) a été le point de départ du mouvement humaniste en Europe ; en effet, face à l’invasion ottomane qui menaçait le patrimoine hérité de l’Antiquité, les lettrés de l’Empire Romain d’Orient ont fait rapatrier en Italie les écrits et oeuvres d’art des Latins et des Grecs anciens. Avec l’apparition de l’imprimerie, ces oeuvres ont été révélées puis étudiées partout en Europe, dans les nouvelles universités qui voyaient le jour dans une effusion intellectuelle sans précédent. Entre l’Italie et Mayence, le long du Rhin, la ville de Bâle a abrité l’une de ces universités, de même que la ville de Freibourg en Brisgau.
Pour former les futurs étudiants, la ville de Sélestat a créé une « école latine », dont l’enseignement reposait sur une pédagogie nouvelle : fini l’apprentissage par coeur de textes latins destinés à être restitués in extenso ; les garçons scolarisés ici apprenaient la grammaire latine ainsi que la traduction, dans ses nuances et sa polysémie.
Nous avons une idée très précise du contenu des cours dispensés entre 1440 et 1526, grâce aux cahiers de deux écoliers, incroyablement préservés depuis plus de cinq siècles ! L’un de ces élèves est Beat Bild, fils d’un boucher charcutier de Sélestat. Comme cette famille venait de Rhinau, le jeune homme a très vite été qualifié de « Rhinauer » ; il gardera ce nom, qu’il va latiniser en Beatus Rhenanus, lorsque sa réputation le conduira dans les hauts lieux de l’esprit .
Remarquable connaisseur des textes anciens, mais aussi des nouvelles techniques d’imprimerie, Beatus Rhenanus est en effet appelé auprès des éditeurs qui sollicitent ses conseils et son expertise. En bibliophile accompli, il se constitue au fil de ses travaux une collection de livres, incunables et manuscrits. À la fin de sa vie, celle-ci est constituée de 423 volumes reliés contenant 1287 oeuvres, et compte 71 manuscrits. Beatus Rhenanus a également conservé toute sa correspondance, soit 255 lettres, qui témoignent de ses relations prestigieuses dont la plus importante est une amitié avec Erasme.
Incroyablement conservée à Sélestat depuis 1547, cette collection a été distinguée en 2011 par l’UNESCO qui l’a inscrite au Registre « Mémoire du monde ».
Une halle aux blés devenue musée
Au fil du temps, cette collection s’est enrichie d’autres legs de bibliophiles sélestadiens, si bien qu’en 1889, les autorités germaniques de la Ville choisissent de les présenter au public en transformant la halle aux blés en musée-bibliothèque.
Après plus d’un siècle de fonctionnement mixte (bibliothèque de lecture et musée), la Ville opère une profonde restructuration du lieu et confie à l’architecte Rudy Ricciotti la transformation du bâtiment. C’est donc ce nouvel écrin que les Amis de la Filature ont eu le plaisir de visiter le 10 novembre dernier, soit 4 mois après sa transformation, qui fait suite à 4 ans de travaux et près de 15 millions d’investissement.
Après la Renaissance, l’art contemporain.
La journée à Sélestat s’est poursuivie par une visite de l’exposition temporaire du Fonds Régional d’Art Contemporain : House for a painting, première exposition conjointe de l’architecte belge Inessa Hansch et de la peintre allemande Suzanne Kühn.
Le FRAC installé à Sélestat en 1982 se distingue par son architecture signée François Kieffer/Pierre Kimmenauer/Ante Josip Von Kostelac. Ce bâtiment construit en 1995 est particulièrement adapté à son emplacement sur les rives de l’Ill. Son immense façade de verre offre une intéressante confrontation visuelle avec l’autre rive médiévale qui s’y reflète. Depuis 2015, la façade est prolongée par un portique de céramique, oeuvre du sculpteur autrichien, Elmar Trenkwalder.
Notre groupe a été accueilli par Kilian Flatt,chargé de médiation, qui nous a permis d’apprécier au mieux les oeuvres exposées. Son éclairage a suscité des échanges nombreux et enrichissants, et chacun a pu s’approprier ces compositions mêlant les univers des deux artistes.
Merci pour cet article très intéressant !
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