Yussuf Sevinçli nous emmène dans son univers sombre avec des photos en noir et blanc, très contrastées, au grain épais. Il ne montre pas la misère ou la souffrance, mais il évolue dans la pénombre, à la limite du jour et de la nuit, dans une atmosphère nébuleuse. Il aime à saisir les ambiances nocturnes, les personnages solitaires, vus de dos, juste éclairés par une lumière blafarde, qui semblent se perdre dans l’obscurité. Il vagabonde dans les villes, sans but précis, sans repère de lieux, aussi ne donne-t-il aucun titre à ses photos, aucune indication qui permettrait de les localiser. A Istanbul ou Marseille, cette rue aux immeubles lépreux, faiblement éclairée ? Est-ce New York, cette ville vue de nuit, aux gratte-ciel illuminés, photo dans la photo ? Avec ironie, elle avoisine une autre photo de nuit du « Palais du Rire »! Et Paris apparaît comme une toile de théâtre pour ombre chinoise.
Yussuf capte aussi des scènes étranges et énigmatiques qui nous interrogent : que font ces enfants masqués courant dans les décombres d’une maison ? Qui est cette petite fille au regard apeuré, apparaissant dans un halo de lumière ? Et ce garçonnet flou, au visage maquillé ? A quoi pensent ces adolescents perchés au sommet d’une colline, contemplant les immeubles d’une cité populaire et sans charme d’une ville inconnue ?
Le graphisme n’est pas absent des photos qui soulignent des motifs récurrents, comme le vol des pigeons, qui font écho à l’éclatement de l’écume de la mer ou au pointillisme d’un autoportait, la glace brisée et le bas déchiré.
A côté d’une photo d’un navire échoué, il propose un visage couché, métaphore d’une vision pessimiste et résignée. Il semble s’être aussi échoué sur le rivage, témoignant d’un monde inquiétant et sans joie . Echoué ou à la dérive ?
Au cours du Club Sandwich, Emmanuelle Walter a pu présenter le parcours photographique de Yusuf Sevinçli et commenter quelques-unes des ses photos. C’est une excellente occasion de mieux connaitre l’auteur et de pénétrer son oeuvre.
Voir aussi l’ excellent article de « La dilettante »
Une exposition saisissante, en effet ! Je ne sais pas si c’est voulu, mais comme le verre qui protège les photos n’est pas anti-reflets, on se voit dans chacune des images, comme si on était forcé de pénétrer la réalité que l’artiste nous présente, comme si on était contraint de se considérer à l’intérieur de cette vision.
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